À mesure que la fête de Noël approche, l’Église, au seuil de la fête, fait sentir l’imminence de la promesse : Ce soir, vous connaîtrez votre Sauveur, car le Seigneur vient ; demain, vous verrez sa gloire (introït de la messe de la veille au soir). Cette promesse, annoncée sous les traits messianiques d’un Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix  (première lecture de la messe de la nuit), n’est alors plus seulement une idée future ou abstraite ni un nom, mais elle se donne à voir : Celui qui par nature est invisible se rend visible à nos yeux, engendré avant le temps il entre dans le cours du temps (2e préface de la Nativité). La liturgie fait alors retentir depuis la nuit des bergers l’aujourd’hui de Dieu : aujourd’hui vous est né un sauveur (évangile de la messe de la nuit). C’est un aujourd’hui qui prend place dans l’histoire des hommes, comme l’évangéliste Matthieu le rappelle en déclinant la généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham à la messe du soir, ainsi que saint Luc, à son tour, au moyen des repères chronologiques qu’il prend soin d’énumérer avec précision à la messe de la nuit. Et l’Église de faire résonner cet aujourd’hui tout au long de la semaine dans son cantique de louange Hodie, Christus natus est… Aujourd’hui le Christ est né (antienne à Magnificat).

Comme frère hôtelier au Mont-Saint-Michel, je reçois des retraitants en recherche d’un climat spirituel, venant « déconnecter » comme pour fuir le temps qui court, ou « se reconnecter » comme pour reprendre goût à leur propre aujourd’hui. Ce climat, je pense qu’ils le trouveraient dans n’importe quel centre spirituel où ils pourraient pratiquer toute sorte de méditation. Comme moine du Mont, quelle plus-value puis-je alors leur apporter ?

Je crois : en leur montrant que ce qu’ils cherchent n’est pas une réalité abstraite ni un état d’âme, mais cet homme-Dieu entré dans le temps des hommes, ayant marqué l’histoire universelle d’un « aujourd’hui » dont Dieu a le secret, cet Emmanuel-Dieu-avec-nous, au sens fort de celui qui est venu chez les siens, le Verbe fait chair venu habiter parmi nous, et dont nous avons vu la gloire (évangile de la messe du jour de Noël). De Celui que je touche et contemple chaque jour comme le Verbe, la Parole de vie accomplie dans le Christ, je m’efforce alors d’être témoin pour que nos hôtes qui viennent au Mont puissent eux aussi, comme le suggère Jean dans le prologue de sa première lettre, le (re-)connaître et partager la joie qui nous anime.

Frère Victor-Marie (Fraternité du Mont-Saint-Michel)