La scène de la Visitation apparaît d’abord sur des fresques remontant au VIe siècle En effet, cette fête n’étant pas inscrite au calendrier liturgique byzantin, sa représentation sur planches est rare.
A l’origine, saint Bonaventure instaura cette fête en 1263 pour les Franciscains. Par la suite, le pape Urbain VI la généralisera à toute l’église en 1379. Dans le calendrier liturgique romain, cette fête est désormais célébrée le 31 mai, au terme du mois de Marie, mettant ainsi en valeur le rôle de la Mère de Dieu dans le projet de Dieu.
La composition de l’icône s’inspire bien sûr de l’Évangile de Luc mais aussi de la cinquième strophe de l’hymne acathiste à la Mère de Dieu. 

« Réjouis-toi, tu as conçu le Semeur de notre vie
Réjouis-toi, Champ où germe la Miséricorde en abondance… »

L’icône montre les deux femmes s’embrassant avec empressement, d’où son appellation « d’accolade de la Mère de Dieu à Élisabeth ». Dans certaines représentations, les deux enfants, Jésus et Jean-Baptiste, apparaissent dans le sein de leur mère.

Marie (à gauche) et Élisabeth (à droite) apparaissent au centre d’une composition marquée par la géométrie des lignes : verticalité des bâtiments et horizontalité du muret. L’architecture statique contraste avec les lignes courbes des corps et des vêtements. Tout en elles est mouvement et légèreté. La joie de la rencontre s’exprime à travers ces corps penchés l’un vers l’autre. L’empressement des deux femmes se remarque aussi au mouvement des jambes : Élisabeth, dans son élan vers Marie, semble presque trébucher ; tout comme les jambes légèrement pliées de Marie traduisent son entrain.

Les gestes expriment la profonde émotion qui saisit et unit les deux mères dans une même expérience spirituelle ; Élisabeth en entourant affectueusement sa cousine de ses bras et Marie en effleurant de la main le ventre d’Élisabeth. Quelles délicatesse et douceur sont ainsi manifestées dans la sobriété d’un geste !

La proportion des corps surprend : Élisabeth, plus avancée en âge et enceinte depuis six mois apparaît plus fine que sa jeune cousine. Les entrailles de Marie semblent démesurément volumineuses ! L’Esprit Saint l’a couverte de son ombre ; elle est comblée de grâce nous dit Luc. Aussi le langage iconographique traduit-il cette inhabitation de l’Esprit Saint par l’amplitude de son corps et la légèreté des vêtements. Regardons attentivement les drapés : ils sont comme soulevés par un Souffle. L’évangéliste Luc n’hésite d’ailleurs pas à présenter l’événement comme une effusion de l’Esprit Saint : Jean-Baptiste tressaille dans le sein de sa mère et Élisabeth est à son tour remplie de l’Esprit Saint. Les nombreux plis des vêtements traduisent également ce bruissement de l’Esprit qui les traverse de l’intérieur.

La palette des couleurs est à dominante chaude et souligne ainsi la chaleur de la rencontre. L’orangé du sol, l’ocre brun des bâtiments, le rouge et l’ocre des vêtements marquent l’unité de la palette. Et l’harmonie de la composition se fait également par l’utilisation des couleurs complémentaires. Le rouge pourpre du manteau de Marie s’accorde au vert de celui d’Élisabeth. L’ocre jaune de sa robe répond au bleu de celle de la Vierge. De même les bleu et rouge des vêtements de Marie sont dans la continuité de la palette, tout comme le vert et

l’ocre de la tenue d’Élisabeth. Notons que les vêtements de l’une et de l’autre ne sont pas interchangeables. Le pourpre est réservé à la Mère de Dieu. Cette couleur évoque la richesse du fait du coût de sa production. Elle est donc utilisée pour les plus hauts dignitaires, comme les empereurs. A cela s’ajoute la dimension du pouvoir et de la puissance. Marie, Mère de Dieu, est donc tout naturellement revêtue de la pourpre royale. Le bleu de sa tunique, symbole de la divinité, traduit sa participation au mystère du Christ, vrai homme et vrai Dieu. Trois étoiles ornent sa robe, en signe de sa virginité.
Le vert et le jaune attribués à Élisabeth sont riches de sens :  ils montrent la puissance de la grâce dans l’humanité. L’ocre jaune, couleur de la terre, souligne l’humanité d’Élisabeth dans sa finitude et notamment sa stérilité. Et pourtant le vert, couleur de la végétation, de la croissance et de la fertilité recouvre son humanité. Car « rien n’est impossible à Dieu ! » (Lc 1, 37).

soeur Lucie-Caroline de la fraternité de Paris