« Pendant le jour, Jésus enseignait dans le temple, et il allait passer la nuit à la montagne appelée montagne des oliviers. » Était-ce pour prier ? La nuit, en effet, Dieu est plus proche, et le monde plus proche. Quand on ne voit rien, n’entend rien, les choses se laissent percevoir telles qu’elles sont. La ville aussi, la voilà toute proche, à portée de main, privée de son voile de jour bariolé, son image d’entreprise. « Jérusalem ! Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants ! »

Si tu oses le rejoindre à cette heure tardive, il te sera peut-être donné d’entrer dans ce regard. Dans le noir, lorsque la lumière est éteinte, on voit mieux ce qu’il vaut la peine de voir. Dur à soutenir, certainement, mais qui te sort des rêves du jour, et laisse contempler ce qui est.

Ceux qui subissent le mal et ceux qui l’infligent. Les privés de pain, de toit, privés d’espoir ou d’amour, ignorant tout du sens de leur vie. Tous et toutes, en fin de compte, victimes du même ennemi infatigable. Elle est là, la souffrance du monde, à découvert devant tes yeux fermés, avec, soudain, cette clarté cruelle : tu n’y peux rien. Sauf donner quelque chose de toi-même, de ta propre vie : rejoindre la prière de Celui qui se donne pour eux, le rejoindre dans sa Passion.

Cette compassion – passion commune, la seule chose que tu peux vraiment faire pour eux –cette peine nocturne n’est pas peine perdue. Comme rien ne se perd de leur peine à eux, car tout est précieusement gardé dans le cœur de Dieu, rien ne se perd non plus de la tienne, même si elle te semble peu de chose, sans commune mesure…

Lui, l’Agneau immolé, en tout cas, ne cessera pas de prier et de s’offrir pour eux. Poursuivant son travail jusqu’à ce qu’il « essuie toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu ». D’ici là, sa Passion continue, et celle de ceux qui voudront le rejoindre dans sa nuit.

Frère Mateusz, de la Fraternité de Varsovie