Le diocèse de Paris, comme tous les diocèses de l’Église universelle, s’est emparé de l’invitation à faire travailler tous les baptisés dans la phase préparatoire au « synode sur la vie de l’Église et la synodalité » convoqué par le pape François. Titre énigmatique pour beaucoup qu’il a fallu traduire, décliner en ses modalités pratiques et finalement mettre en œuvre pour apprendre à « marcher ensemble ». Exercice inédit pour les paroissiens et, reconnaissons-le, pour la plupart des clercs que d’avoir à échanger, sans canevas préétabli, sur la façon dont chacun vit dans l’Église, sur les joies qu’il y ressent, les manques et les blessures qu’il y éprouve, les rêves qu’il forme pour elle.

Réunis en petits groupes – 8 à 10 personnes en moyenne –, tous ont ainsi appris à s’écouter, à parler en vérité, à dire sans crainte d’être jugé ou repris ce qu’ils ressentaient. Il était conseillé dans les instructions données par le diocèse d’inviter les paroissiens, les membres de mouvements et tout homme de bonne volonté à des réunions d’une heure ou une heure et demie, en laissant l’expression la plus libre possible. Mais il revenait ensuite au « rapporteur » désigné dans chaque groupe de renseigner, sur le site ouvert à cet effet, un questionnaire portant sur les données statistiques (âge, sexe, état de vie…) puis répartissant la matière des échanges selon neuf thèmes :

– accueil – écoute
– parole – communication
– célébration – liturgie
– gouvernance – fonctionnement
– engagement dans la société

– dialogue dans l’Eglise
– œcuménisme
– formation
– relations homme-femme
et un dixième pouvant tout accueillir : « autre »…

Chaque thème faisait l’objet de « constats » (avec la possibilité de cocher la case : « accord » ou « contradiction »), puis de propositions.

Il y avait donc là une masse de données, parfois résumées en quelques mots, parfois longuement explicitées, qui devait être analysée et traitée. Dans l’équipe synodale, envoyée en mission par Mgr Aupetit en octobre 2021, au début du processus, trois personnes – un prêtre et deux laïques mariées – ont été plus particulièrement chargées de ce travail, chacune appelant à son tour une autre personne. Ils désiraient qu’un ou une consacré.e se joigne à l’équipe et c’est ainsi que, par l’intermédiaire d’un couple qui nous avait connu à La Trinité-des-Monts et à la demande de sœur Cécile, je me suis trouvée incorporée à cette équipe et embarquée dans l’aventure.

Nous nous sommes mis effectivement au travail au mois de mars, avec les quelques contributions déjà postées, en décidant de fonctionner en binôme, chaque binôme étant en charge de trois des thèmes prédéfinis. Des réunions régulières, en présentiel ou en visio, nous ont permis peu à peu d’harmoniser nos méthodes et de définir une grille de lecture commune. Au fur et à mesure qu’approchait la date fatidique du 10 avril, retenue pour la clôture de la consultation, le rythme hebdomadaire des contributions – une petite centaine, au début – s’accélérait de façon réjouissante, mais aussi un peu accablante pour nous.

Étant tenue à la confidentialité jusqu’à ce que les conclusions diocésaines soient publiées le 22 mai, je ne peux guère dévoiler le contenu des contributions. Mais je peux témoigner que toutes ont été lues avec sérieux, par au moins deux personnes et que la synthèse, forcément réductrice, que nous avons à en tirer fait l’objet d’une évaluation par l’ensemble du groupe et parfois de reprises. La synthèse demandée à la Conférence des Évêques de France est nécessairement brève puisqu’elle doit être harmonisée avec celles provenant de tous les autres diocèses ; mais, pour Paris, Mgr Pontier a désiré qu’une synthèse plus large soit aussi faite et toutes les propositions listées, de façon à ce que cela puisse servir de feuille de route au futur archevêque.

Ce travail sera publié sur le site dédié : https://synodeparis.fr/

Les paroisses se sont emparé de cet outil avec une grande liberté et diversité : certaines très actives envoyant des dizaines de contributions et d’autres beaucoup moins ; certaines ne mettant sur le site qu’une synthèse déjà faite – et souvent par le curé – des données des divers groupes, et d’autre s’étant carrément mises aux abonnés absents. Des groupes informels se sont aussi formés, souvent réunis au domicile de l’un ou l’autre, et certaines contributions émanent de membres de mouvements ou de groupes d’amis de paroisses différentes, ou encore d’une famille… Saint-Gervais a pris sa part : un appel à participer à un atelier synodal a été lancé à la messe dominicale, trois semaines successives, et des groupes ont pu se former un dimanche après-midi avec des membres de l’assemblée, connus ou inconnus, et quelques frères et sœurs ; les Fraternités Évangéliques ont, de leur côté, envoyé aussi leurs contributions.

Je garde de cette expérience – qui n’est pas terminée au moment où j’écris – l’image d’une Église de Paris bien vivante, moins identitaire que je ne le craignais, plus libre dans sa parole et ses désirs que je ne l’imaginais, et finalement créative et soucieuse d’ouverture à la ville et au monde pour annoncer le Christ ressuscité.

Soeur Marie-Laure de la fraternité de Paris