Le mot « vulnérabilité » est très en vogue. Souvent, il est employé pour désigner les personnes qui ont besoin d’être accompagnées, protégées par d’autres. Au sens étymologique, être vulnérable signifie d’ailleurs être exposé aux blessures, être dans l’incapacité de se défendre ou de résister à l’ennemi. Vulnérable vient, en effet, du latin vulnerare qui signifie blesser. Si la personne vulnérable est une personne dépendante d’autres êtres humains pour pouvoir continuer à vivre, ceux qui lui viennent en aide, sont-ils pour autant invulnérables ? Il n’est pas besoin de beaucoup de clairvoyance pour s’apercevoir que nous avons tous besoin des autres pour survivre et aussi pour vivre. Dès lors, nous pourrons définir la vulnérabilité comme « fond commun d’humanité » (L. Benaroyo). 

Être dépendant, avoir besoin de l’autre est une vulnérabilité, mais bien plus encore une chance : la chance du lien, de la relation dans laquelle se façonne notre devenir et notre identité. La vulnérabilité est une vertu relationnelle, qui nous permets de nous ouvrir à la présence de l’autre, à la nécessité et à la beauté d’avancer ensemble. On est ici dans la figure de l’hospitalité qui implique de savoir ouvrir sa porte, se désencombrer et faire de la place pour l’autre. On voit bien où est la vulnérabilité. Je m’expose, je dévoile à l’autre mon intimité, je le laisse entrer. Cette porte ouverte permet à l’ami d’entrer, mais peut aussi offrir un passage au voleur.
Ce risque se dit aussi dans une structure anthropologique fondamentale de l’humain : celle du don

Le don surgit gratuitement comme expression de ce qui me relie à l’autre. L’ouverture du don est suspendue à la réponse de celui à qui il s’adresse : le recevra-t-il ? Quand le don est reçu, celui qui a bénéficié du don va être porté à redonner, c’est-à-dire à devenir lui-même source de don pour d’autres. Ainsi le don se met à circuler et il renforce les liens dans la communauté. Il a fallu pour cela accepter la vulnérabilité du premier don, le risque de la blessure du refus, pour communier à la joie du don qui circule. 

Le risque de consentir à sa vulnérabilité, de s’exposer à l’autre, se révèle ainsi être surtout ouverture à la chance de la tendresse, manifestation de l’amour et de la bienveillance que nous nous portons les uns aux autres. C’est l’expérience vécue par saint François quand il embrasse le lépreux. Pour arriver à cette tendresse partagée et à la joie qui l’accompagne, il a fallu que le jeune bourgeois d’Assise accepte sa vulnérabilité et prenne le risque du baiser. 

Risque et chance de la vulnérabilité que les consacrés ont à témoigner par une vie fraternelle où chacun choisit de faire de la relation le lieu de son salut et celui des autres. En fait, la fraternité est le premier et le plus crédible évangile que nous puissions dire aujourd’hui. Nous sommes appelés à « un témoignage de communion fraternelle qui devient attrayant et lumineux. Que tous puissent admirer comment vous prenez soin les uns des autres, comment vous vous encouragez mutuellement et comment vous vous accompagnez » (Evangelii Gaudium n°99).

soeur Teresa de la fraternité de Paris