Jésus quitte la Judée et les eaux du Jourdain : il lui faut traverser la Samarie non tant pour des raisons géographiques mais par la logistique divine. Comme chacun de nous, lui aussi doit parfois prendre un chemin plus difficile et moins direct, un chemin qui ne semble être ni raisonnable ni confortable. Combien de fois il nous faut traverser notre Samarie…

Or ce sont justement ces terres arides, païennes et hostiles qui ont besoin de Dieu. Recherchant ce qui est perdu, Il n’a pas peur des endroits sauvages de nos cœurs, des recoins hérétiques, non évangélisés, dominés par le péché. Il n’est pas venu admirer notre perfection, mais sauver tout ce qui a besoin d’être libéré, guéri, transformé.

Il vient alors pour offrir tout cela à une femme perdue, souffrante, exclue par les autres, mais aussi par elle-même. Il l’attend assis tout contre le puits : comme un tout petit, fatigué, assoiffé de sa présence, de son attention. Oui, le Christ a soif de nous, Il demande qu’on remette entre ses mains la cruche de notre vie – si fêlée, ébréchée, abîmée qu’elle soit. Par sa soif Il veut nous révéler nos soifs, démasquer notre pèlerinage fatal : toujours à la recherche de l’eau qui ne désaltère pas. Car nous passons d’une soif à l’autre, nous creusant des citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau. Nous buvons aux sources offertes par le monde, mais elles ne font qu’amplifier notre désir et agrandir le vide qui nous dévore de l’intérieur…

Et pourtant la Source est là, la seule qui puisse combler notre vraie soif : la soif de Dieu. La soif de sens, de plénitude, de vérité, d’éternité. Jésus – Nouveau Jacob – roule la pierre qui ferme notre cœur et y fait jaillir une fontaine d’eau vive : d’eau qui est la vie et qui donne la vie. Il nous offre ainsi le Don suprême : le don de Dieu, de nous-mêmes, de la plénitude.

Ce que la Samaritaine cherchait vainement ici et là, Jésus le lui fait trouver dans son cœur. Elle oublie donc sa cruche et – libérée, acceptée, aimée – elle se laisse entraîner par les fleuves d’eau vive vers toute la Plénitude de Dieu.

Sœur Rachel, de la Fraternité de Varsovie