C’est le milieu de la nuit. Autour de moi, il fait ténèbres, vide et silence. Personne sauf moi. Personne ? Mais Toi, Tu es là, mon Dieu. Eh, oui. J’essaye de me concentrer. J’essaye de prier. Les yeux se ferment tout seuls.
Pourquoi est-ce que je suis là, mon Dieu ? Pourquoi, au lieu de dormir, je viens ici, en plein milieu de la nuit, dans cette église vide, ténébreuse et silencieuse ? Et j’y veille chaque semaine, ces deux heures entre deux et quatre heures du matin. Souvent, c’est tout simplement un combat avec moi-même, avec ma fatigue, mon sommeil, mes distractions.

C’est un Mystère. Un Mystère de Ta Présence.
Je suis là car TOI, TU ES LÀ. Je demeure près de Toi, car Toi, Tu me laisses demeurer près de Toi.
Un seul petit point éclairé dans une église sombre, immense. Une petite Hostie blanche. Elle attire le regard. Comme un aimant. Elle appelle.

Après Samuel, je peux répéter : Tu m’as appelé. Me voici (1 Sm 3, 8). Après Chiara Lubich, je peux ajouter : 

Je viens à l’église le matin : tu es là.
Je cours à l’église quand je t’aime : je te trouve là.
Je passe par hasard, par habitude ou par respect : je te trouve là.
Et chaque fois, tu m’adresses une parole, tu purifies
un sentiment, tu composes peu à peu, de notes
diverses, un chant unique, que mon cœur sait par cœur.
Il me redit sans cesse une parole : éternel amour.
Oh, Dieu, tu ne pouvais inventer mieux. 
Ce silence qui est le tien, où s’apaise le fracas de notre vie,

cette palpitation silencieuse qui sèche toute larme,
ce silence…
Ce silence, plus éclatant que le chant des anges.
Ce silence qui à l’esprit dit le Verbe, au cœur donne
le baume divin.
Ce silence où chaque voix se
retrouve assemblée, où chaque prière résonne
transformée.
Cette présence mystérieuse…
La vie est là, l’attente

est là, notre cœur trouve là le repos…

(extrait du poème « Elle est inconcevable » de 1958)

Tout cela, c’est la vérité. Ici, dans ce silence, dans l’immobilité palpite la vie. Tu es là et Tu agis. Tu purifies. Tu guéris. Tu enchantes mon coeur et Tu le transormes peu à peu. Tu le remplis de Ton éternel Amour. Même si je ne sais pas comment et même si je ne le mérite pas.
Et moi ?
Je demeure le plus souvent inconsciente de ce grand don, moitié endormie.
Parfois avec la nostalgie, en Te fixant, pleine de doutes, je demande : Seigneur, est-ce vraiment Toi ?
Parfois, soucieuse de mes petits ou grands problèmes, concentrée sur moi-même, je déverse mon coeur devant Toi.
Et parfois je pense à mes proches, à ceux qui m’ont demandé de prier pour eux, ainsi qu’à ceux qui errent dans la nuit du manque de foi, en Te cherchant à l’aveuglette.
Mais parfois il arrive comme un éclair. Un instant d’éblouissement. Un souffle de l’Esprit. Un enchantement. De Toi, mon Dieu. Soudain une certitude de Ta Présence m’envahit. Tout le reste n’a plus d’importance.
Il n’y a que Toi, Jésus. L’Amour éternel du Père qui a fait que « le Verbe s’est fait chair et Il a demeuré parmi nous ». L’Amour sans bornes qui s’est livré entre nos mains et qui s’est laissé clouer à la croix. L’Amour caché qui est resté auprès de nous « jusqu’à la fin du monde » dans ce signe du pain. Dieu Unique et Trine, Dieu Omnipotent, le Seigneur des armées, le Créateur du ciel et de la terre, mon Créateur et Rédempteur, devant Qui tremblent les Puissances et les Anges se couvrent le visage. 

Tu es là ICI ET MAINTENANT à la portée de la main, et Tu permets de Te regarder, plus encore : Tu permets de Te toucher et Te manger pendant l’Eucharistie. INCONVEVABLE.

Chaque fois que j’en suis consciente, je demeure pleine d’enchantement et de crainte, fixant l’Hostie, et après sainte Thérèse de Lisieux je murmure : « Malgré mon extrême petitesse, j’ose fixer le Divin Soleil ». Et je me tais.
Car avec quelles paroles rendre ce qui est dans mon cœur ? Dans le coeur qui tremble. Dans lequel résonne la louange, la joie, la nostalgie et le désir. Le désir pour répondre à Ton Amour. Aimer comme Tu aimes, Seigneur. Avec le don de Soi. « Te donner tout, Te donner moi-même ».
Dans mon cœur existe ce mélange : la joie de la rencontre des désirs et en même temps la nostalgie de l’attente. L’attente de Te rencontrer « face à Face » dans l’éternité. Ce « déjà » et « pas encore ». Parce qu’ici-bas, nous sommes toujours et encore les voyageurs. 

Ce moment d’Adoration est un arrêt sur ce chemin vers Toi. Un avant-goût du Ciel et une promesse des choses invisibles. Ce moment d’Adoration est comme un Avent – le temps de joie où Tu es parmi nous et le temps d’attente à Ton retour glorieux. Marana tha ! Viens, Seigneur Jésus !

La porte a grincé. Un autre voyageur errant entre, dans la nuit, et il se prosterne devant Toi en déversant son cœur. Et Toi, Tu lui souris et Tu le prends déjà dans Tes bras.

Témoignage de Ania, familière de Varsovie, membre de la Frat. Buisson Ardent