Cela peut paraître étrange, mais je vois en saint Joseph, un modèle de vie monastique. En effet, Joseph est plus souvent connu comme le patron de l’Église, comme le gardien du Rédempteur ou comme un modèle pour les pères de famille. Mais en regardant de près le récit biblique, on peut s’apercevoir qu’il a vécu avec beaucoup d’éloquence les vœux monastiques. Il a vécu l’obéissance dans l’obéissance non seulement à la voix de l’ange, mais aussi envers Marie et plus encore envers Jésus. Il a vécu la chasteté de manière particulièrement féconde en accueillant en son foyer le Sauveur ! Et il a vécu dans la pauvreté, la simplicité évangélique avec beaucoup d’humilité. Pour moi, saint Joseph a vécu en précurseur les trois vœux monastiques. 

Ce qui me touche le plus chez lui, c’est qu’il parle sans rien dire. Son éloquence n’est pas dans son verbe, elle est à contempler dans son geste, dans sa foi, dans son amour pour Marie.

Le philosophe Henri Bergson a dit en ce sens : « les grands hommes de bien n’ont pas besoin d’exhorter ; ils n’ont qu’à exister ; leur existence est un appel » (les Deux sources de la morale et de la religion). Joseph prêche par sa manière de servir les autres, par sa manière de servir Dieu en son Fils. En somme, comme le dit justement le dominicain Philippe Lefebvre, en Joseph, nous pouvons admirer « l’éloquence d’un taciturne » !

   Comment as-tu reçu le prénom de Joseph et comment est-ce que cela t’accompagne dans ta vie ?

Je dois avouer que le nom de Joseph ne s’est pas imposé à moi immédiatement. C’est quelques mois avant ma profession temporaire, nous lisions au réfectoire un livre sur le frère André de Montréal. J’étais frappé par son immense dévotion envers saint Joseph. Il lui remettait absolument tout. Saint Joseph était non seulement un exemple, mais aussi comme un compagnon de chaque jour. C’est alors à ce moment que j’ai fait le rapprochement entre la vie de Joseph et la vie monastique. J’ai vu de nombreux parallèles entre mon petit parcours de vie et le sien (j’ai grandi au milieu des planches, j’aime travailler le bois, je ne suis pas un grand bavard, etc.) Mais aussi, bien plus tard, grâce à une analyse du bibliste André Wénin, j’ai redécouvert la figure de l’autre Joseph, celui du livre de la Genèse. Il ressort de ce récit une grande lumière et une grande espérance sur la vie fraternelle. J’aime y revenir de temps en temps et me laisser enseigner par ce récit magnifique.  

Bref, porter le nom de Joseph est un grand cadeau. Peut-être dois-je apprendre à m’en remettre à lui un peu plus, car alors je suis loin d’être comme saint André de Montréal, mais j’ose croire qu’à chaque fois que je signe avec mon prénom religieux, c’est comme un petit clin d’œil que j’échange avec lui.

   Y a-t-il une représentation de saint Joseph que tu aimes particulièrement ? 

Il y en a en fait deux. Celle qui représente les 7 douleurs et allégresses de saint Joseph. Cette icône est inspirée du psautier de Gough, datant du XIIIe siècle. Y figurent les grands moments de la vie de Joseph dans des petites bulles et au milieu, Joseph est en train de lire et d’enseigner à Jésus le “Shema Israël”. Et Jésus, avec sa main placée derrière son oreille manifeste son écoute attentive. En sorte, que Jésus enseigne sans doute à Joseph comment prier, comment être Fils et se recevoir du Père.
Admirable échange !

J’aime aussi cette représentation faite par un frère de Jérusalem où l’on voit Joseph portant Jésus comme dans les icônes de la Vierge de tendresse.

Mais là, un détail important change. En effet, Joseph et Jésus sont recouverts du talit, ce châle de prière que les juifs utilisent pour dire que l’un et l’autre joignent leur prière dans une grande communion faite de tendresse et d’adoration. Cette icône montre comment Jésus a vu en Joseph la tendresse de Dieu : « Comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint »
(Ps 103, 13). 

De même que saint Joseph est le patron de l’Église universelle, comme l’a décrété Pie IX en 1870, les frères de Jérusalem l’ont choisi comme saint patron.  Peut-être parce que saint Joseph nous montre comment traverser avec courage les difficultés, ou parce qu’il sait réveiller en nous des ressources que nous ne pensions même pas avoir, ou encore, comme le dit le Pape François, parce que « Le charpentier de Nazareth sait transformer un problème en opportunité, en faisant toujours confiance à la Providence » ? En tout cas, nous pouvons l’invoquer avec confiance et sans retenue car, comme dit sainte Thérèse d’Avila : « Joseph ne m’a jamais déçu. » 

À cet effet, l’Oratoire Saint-Joseph du Mont Royal propose une prière à saint Joseph que j’aime beaucoup. Je vous en donne un extrait :

Joseph,
on t’appelle le Juste, le charpentier, le silencieux.
Moi, je veux t’appeler « mon ami ».
Avec Jésus, ton fils et mon Sauveur,
avec Marie, ton épouse et ma Mère,
tu as ta place dans mon cœur,
tu as ta place dans ma vie.

Joseph, mon ami,
toi qui a cheminé à travers les chutes et les ombres,
apprends-moi à rencontrer le Seigneur dans le quotidien de ma vie.
Toi, le témoin étonné de l’action de l’Esprit,
aide-moi à reconnaître ses merveilles et à Lui être soumis.
Toi, le grand attentif à tous les besoins des tiens,
garde ouverts mon cœur et ma main.

Amen.

Frère Joseph de la fraternité de Strasbourg