Ce monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans la désespérance. La beauté, comme la vérité, c’est ce qui met la joie au cœur des hommes, c’est ce fruit précieux qui résiste à l’usure du temps, qui unit les générations et les fait communiquer dans l’admiration.
Quand je dessine, il y a un dialogue qui progressivement s’établit entre moi (l’observateur) et l’objet observé. Par exemple : lorsque je fais un dessin d’observation, je contemple la nature, j’observe les formes, les teintes, les diverses nuances. C’est un moment d’éternité, ou rien d’autre ne compte. Cela me fait parfois parfois penser à mon expérience d’adoration devant le Saint Sacrement. Pour moi, le dessin, la peinture deviennent une forme de méditation, et parfois même une prière. Je rends grâce intérieurement à Dieu pour la beauté dans le monde, pour la joie de dessiner ou de peindre. La gratitude grandit en moi en faisant de l’Art.
Je suis persuadé que l’artiste chrétien est appelé à répandre la beauté, à faire entrevoir l’harmonie, le beau qui viennent de Dieu. Les gens ne sont pas insensibles à la beauté, parce que la beauté nous rappelle cette transcendance pour laquelle nous sommes créés..
Faisant de l’art figuratif, je m’efforce de reproduire ce que je vois sans faire une copie comme pour une photographie. Je dis cela car aujourd’hui, en opposition à l’art abstrait, il y a un mouvement d’hyperréalisme qui travaille d’après des photographies et cela me laisse perplexe. La photo peut être un outil mais c’est dangereux d’en devenir esclave.
Cela demande beaucoup d’efforts pour parvenir à une liberté d’exprimer visuellement sa pensée. Mais lorsqu’on arrive à dépasser cet obstacle et que l’on commence à dessiner à partir de son imagination, cela devient merveilleux d’y voir une collaboration avec l’Esprit Saint.
Malheureusement, j’ai grandi dans une société où l’artiste n’est pas valorisé. Il y a souvent une caricature de l’artiste nonchalant qui fait de l’art abstrait.
Selon moi, le métier d’artiste est très exigeant. Tout d’abord, l’artiste doit travailler fort pour apprendre à bien maîtriser le dessin, les techniques de peintures, les connaissances en anatomie, perspective, etc. (Je suis encore à cette étape).
Peindre une toile lorsqu’on ne maîtrise pas encore tout à fait un médium, peut être une expérience de souffrance car il y a toujours un écart entre notre désir et la réalité de nos capacités. Ensuite je suis convaincu que dans une période difficile comme celle que nous vivons, les artistes ont un rôle précieux à jouer pour redonner de l’espérance.
C’est à juste titre que saint Jean-Paul II, à travers sa lettre aux artistes, en appelle à la vigilance de l’artiste. Pouvoir dessiner, pouvoir peindre est une belle grâce mais aussi une responsabilité. Les images que l’on produit peuvent avoir un grand impact sur les gens qui les regarderont. Des images restent imprégnées dans notre mémoire durant des années.
Cela peut surprendre mais un nu peut être représenté de façon pudique et respectueuse alors qu’un corps habillé peut choquer et provoquer. Tout dépend de la manière dont il est traité.
Je suis conscient que la personnalité de l’artiste transparaît dans sa production. D’où l’invitation à prendre soin du cercle de ses fréquentations, de ses habitudes de vie.
Pour moi, habiter à la Badia est une grâce immense. Côtoyer les moines et moniales, participer aux offices de prière est une source d’inspiration qui contribue à donner un aspect priant à ma production artistique.
« Celui qui perçoit en lui-même cette sorte d’étincelle divine qu’est la vocations artistique- perçoit en même temps le devoir de ne pas gaspiller ce talent, mais de le développer pour le mettre au service du prochain et de toute l’humanité. »
« La relation entre ces deux dispositions, morale et artistique, n’est pas moins importante. Elles se conditionnent profondément l’une l’autre. En modelant une œuvre, l’artiste s’exprime de fait lui-même à tel point que sa production constitue un reflet particulier de son être, de ce qu’il est et du comment il est. »
« C’est pourquoi l’artiste est capable de produire des objets, mais cela, en soi, ne dit encore rien de ses dispositions morales. »
Guillaume Bolduc, ami des Fraternités de Florence