En vivant au Mont-Saint-Michel, on s’aperçoit que l’accueil est constitutif du lieu. C’est lui qui réunit dans une amusante complicité hôteliers, restaurateurs, commerçants et frères et sœurs : tous, nous avons mission d’accueillir ceux qui passent – touristes, visiteurs et pèlerins. On s’aperçoit aussi que le lieu nous façonne peu à peu à l’accueil. Un accueil large vu l’extrême diversité de ceux qui s’acheminent vers le Mont ; un accueil parfois imprévu, déroutant, qui nous empêche toujours de nous installer.
C’est le retraitant qui vient passer plusieurs jours au rythme de la communauté, plus ou moins au clair dans les motifs de sa venue et de sa quête spirituelle.
Ce sont les pèlerins d’un jour, jeunes ou moins jeunes, accueillis le temps d’un office.
Ce sont les touristes ou visiteurs, enfin, que l’on croise dans les escaliers et à qui il est important de laisser l’espace pour qu’ils se sachent accueillis : un sourire, un bonjour, une discussion prolongée…
Dans tous les cas, l’enjeu est de permettre à l’autre de se découvrir accueilli par le Seigneur lui-même.
Car l’accueil est affaire de gratuité. Accueillir l’autre comme il est, comme il vient, avec ses combats, ses joies, ses défis, ses doutes, sa détresse. Lui offrir un espace où il peut s’autoriser à être pleinement lui-même : non pas ce qu’il est dans la société, non pas ce qu’on attend de lui dans sa vie professionnelle ou dans son entourage familial et amical, mais être ce qu’il est, lui, en vérité. Lui permettre de faire l’expérience du regard éternellement neuf de Dieu posé sur lui.
L’accueil est aussi affaire d’écoute. Quand on accueille, il ne s’agit pas de se placer d’abord dans la position de celui qui sait et qui peut donner quelque chose (un conseil ou un avis, si éclairé soit-il…). Il s’agit plutôt d’être là, témoin de la manière dont Dieu se fraye un chemin dans les cœurs et dans les vies : aux premières loges, pour voir la puissance de la Parole de Dieu et de sa grâce.
Accueillir, recevoir : deux verbes qui traduisent la même attitude de celui qui est prêt à laisser l’autre entrer dans son existence, pour un temps plus ou moins long. Et on voit alors combien l’on reçoit bien plus que ce qu’on a eu l’impression de donner. Combien de fois ai-je été édifiée et renouvelée par la rencontre d’un hôte, en chemin comme moi ! Ce don réciproque est le signe d’un accueil vécu en vérité, où Quelqu’un d’autre s’est invité au milieu de nous.
La mission d’accueil est en fait une école du quotidien pour apprendre à accueillir Celui qui vient nous visiter à chaque instant !
Soeur Claire de la fraternité du Mont-Saint-Michel