Cette icône a été écrite par notre sœur Gisèle et offerte à frère Pierre-Marie au cours de sa maladie. Elle est actuellement dans sa cellule à Magdala.

Le modèle originel de l’icône représente l’ensemble de la scène évangélique. On y voit en arrière-plan les disciples dans la barque malmenée par la tempête et, au premier plan, le sauvetage de Pierre. 

Sœur Gisèle a préféré mettre en valeur la relation entre le disciple et son maître. Un modèle russe et l’évangile de Matthieu l’ont inspirée.

Les lignes courbes sont nombreuses dans cette icône et donnent à l’ensemble de la scène un aspect mouvementé. Le mouvement de la houle se lit de gauche à droite tandis que le ressac de la mer traduit la violence de la tempête. Des poissons jaillissent des flots agités. 

À l’opposé du mouvement des vagues, Pierre s’élance vers Jésus. Jambes et buste se courbent en un même sens. Ses bras agrippent ceux de Jésus. Dans l’effroi du moment, une sandale se détache de son pied, emportée par le courant, allusion peut être au reniement à venir et racheté par le sacrifice rédempteur du Christ.

Et pourtant au milieu de cette agitation, apparaît un Christ stable, paisible. L’agitation des flots ne le perturbe pas. Debout, droit sans être rigide, il marche avec assurance et légèreté vers Pierre. Il domine les éléments. 

Jésus est légèrement incliné pour soulever Pierre des eaux. Il le prend sous les bras comme pour mieux le soutenir et le porter. Sa tête se penche pour rencontrer le regard de Pierre. Quel face à face intense, transperçant et saisissant ! Dans cet instant d’éternité, le tumulte extérieur est oublié.

Cette icône est riche d’enseignement par son jeu de couleurs. En iconographie, les couleurs ont leur importance et sont choisies pour leurs significations symboliques. Le Christ par exemple est toujours vêtu de rouge foncé pour la tunique et d’un manteau de couleur bleue, symbole du monde éternel et divin.

La composition des couleurs est aussi importante. Deux systèmes coexistent : la polychromie et le colorisme. Ce dernier est principalement employé pour cette icône. Il consiste à mélanger les couleurs pour obtenir d’harmonieuses nuances. L’accent est alors mis sur l’unité globale de l’icône. Ici, elle se fait autour de la couleur bleue. Un bleu clair, profond, paisible est choisi pour le manteau du Christ ; contrastant avec le bleu vif de la tunique de Pierre. Le bleu de la mer est relevé d’une pointe de vert. 

L’harmonie autour du bleu est cependant bousculée par la couleur rouge. Ce fond flamboyant est pour le moins surprenant… tonifiant… dynamique ! L’effet chaleureux et vivifiant donné par le rouge est d’autant plus fort qu’il est juxtaposé à la domination froide du bleu. Le rouge exprime la puissance de la Résurrection, de la victoire de la vie sur la mort. Jésus qui marche sur les flots en furie manifeste cette victoire. Ainsi, dans cette icône, le rouge annonce la victoire pascale du Christ dont il fait bénéficier Pierre. Après la Résurrection du Christ, Pierre sera relevé de son reniement.

Toutefois, le fond rouge de cette icône n’est pas unique. On le retrouve notamment dans les icônes russes issues de l’école de Novgorod qui associait cette couleur à la beauté. Ici le mariage du bleu et du rouge est réussi.

La dernière touche de couleur est l’ocre jaune du manteau de Pierre. Couleur terreuse rappelant la faiblesse de notre humanité, elle évoque la fragilité de Pierre qui se met à douter et a besoin du secours du Maître.

Sœur Lucie-Caroline, de la fraternité du Mont-Saint-Michel