Je marcherai, je marcherai sous le soleil trop lourd
Sous la pluie à verse et dans la tourmente.
En marchant le soleil réchauffera mon cœur de pierre,
La pluie fera de mes désirs un jardin.
A force d’user mes chaussures, j’userai mes habitudes.
Je marcherai et ma marche sera démarche.
J’irai moins au bout de la route qu’au bout de moi-même.
Pèlerin, il va désarmé, à la rencontre de lui-même, des autres et de son Seigneur.
Je serai pèlerin, je ne partirai pas seulement en voyage.
Je deviendrai moi-même un voyage, un pèlerinage.
Traverser la baie c’est la joie simple d’aller pieds nus comme un enfant dans l’eau et la tangue, ce mélange de sable et de vase dont nous sommes en partie pétris. C’est littéralement choisir de pérégriner plutôt que de patauger en soi.
Bénédiction pour les âmes distraites dans mon genre qui s’égarent si facilement sur la piste de leur cœur profond : un pèlerinage dont il est impossible de perdre l’objectif de vue !
De jour comme de nuit, visible des quatre coins de la plaque d’argent de la baie, saint Michel pointe son doigt doré vers la destination finale comme un irrésistible appel. « Vers toi j’ai les yeux levés, qui te tiens au ciel » (Ps 123).
Mille voies y mènent, certaines plus pénibles que d’autres nous précise notre guide, nous révélant au passage les mystérieux bancs sablonneux et les torrents cachés où d’autres marcheurs plus téméraires s’abîment chaque jour.
Un temps de prière était prévu à mi-distance mais impossible de freiner le groupe qui s’élance d’un seul pas, sans se retourner, vers l’abbatiale. Nous marchons en toute hâte, comme doit être consommée la pâque.
Entre deux silences, au gré du rythme de chacun, nous partageons avec un camarade de route une rencontre, un souvenir, une décision plus ou moins lointains qui ont délicatement amenés nos chemins à se croiser aujourd’hui.
A son récit, face à la beauté de la Création, sous les coups répétés de mes pieds, se dégagent peu à peu au-dedans de nouveaux horizons de conversion, de consolation qui se dérobent d’ordinaire à la raison. La suite de la route s’ouvre vertigineusement longue et belle : marche sans t’arrêter !
Noëlle Benoist, amie des fraternités au Mont-Saint-Michel