Après quelques années de travail intense à la Maison de Prière Jérusalem dans la grande banlieue de Montréal, un temps sabbatique de cinq mois m’a été proposé, chez les Petits Frères de la Croix, une communauté fondée en 1980. Ils habitent dans un grand monastère dans la région montagneuse du Charlevoix, à quatre cents kilomètres au nord-est de Montréal ; le monastère domine le fleuve Saint-Laurent ; les montagnes de l’autre côté du fleuve sont dans le Maine, aux États-Unis. Les Petits Frères de la Croix sont des moines, mais s’inspirent uniquement de Charles de Foucauld, qui ne s’est jamais appelé “ermite” ou “missionnaire”. Il disait toujours qu’il était un moine vivant dans un pays de mission. Toute sa vie il a rêvé de fonder une nouvelle forme de vie monastique : une petite communauté fraternelle, proche des gens, priant dans leur langue et témoignant de l’évangile par la prière et par l’exemple de la vie communautaire. Les Petits Frères de la Croix incarnent cette vision.

Nous les connaissons bien, y allant pour des séjours de temps en temps ; les frères et les sœurs de Montréal y ont même passé toute une “estive”. Nous avons beaucoup de choses en commun : surtout Charles de Foucauld comme modèle de la vie monastique.

Mais leur vie est aussi très différente de la nôtre. Ils sont propriétaires d’un grand domaine, avec plusieurs bâtiments ; ils ont peu de voisins et sont en contact notamment avec les gens de passage dans la région ; ils sont presque tous des Québécois de souche.

Mon séjour parmi eux était donc une plongée dans la culture québécoise rurale, très différente de mon expérience du Québec à Montréal. Ils se déplacent en motoneige à travers la forêt boréale ; leur façon de parler français n’était pas toujours facile à capter. Leurs “familiers” laïcs, hommes et femmes célibataires, un couple marié, participent pleinement à la vie au monastère. Mais pour le fond, nous sommes vraiment très proches.

Au Québec, il y a plusieurs autres mouvements et communautés qui s’inspirent de Charles de Foucauld. La Fraternité Sacerdotal regroupe les prêtres ; la Fraternité Jésus Caritas, des laïcs. À Chicoutimi, cent-cinquante kilomètres plus au nord des Petits Frères, les Fraternités monastiques de Cœur de Jésus sont une nouvelle communauté monastique et apostolique, fondée en 2004, regroupant des moines, des moniales et des laïcs et mettant beaucoup l’accent sur l’adoration et le témoignage de la vie fraternelle. 

À Montréal, les Petites Soeurs de Jésus sont nos voisines très proches, vivant dans un appartement tout près du Sanctuaire ; elles viennent chez nous pour la messe presque tous les jours. Elles sont trois, de trois continents différents et vivant sur un quatrième continent ; en cela, elles nous ressemblent. Mais les communautés des Petites Soeurs de Jésus sont très petites et enfouies dans une proximité de quartier ; elles partagent la vie des “petits” de la société moderne. Pourtant, elles aussi disent que leur première mission c’est le témoignage par la vie communautaire et par la prière. 

L’héritage spirituel de Charles de Foucauld au Québec est donc très varié dans ses formes – mais très uni dans sa vision profonde.

L’héritage spirituel de Charles de Foucauld au Québec est donc très varié dans ses formes – mais très uni dans sa vision profonde.

Frère Bradford (Fraternité de Montréal)