Florence, Firenze, où est ton âme ?
Tu es si belle en tes palais, tes églises et tes places.
Tu es si belle dans la poésie de tes demeures
et le chant de l’Arno – 
quand il ne bondit pas hors de ses rives.
Si belle sous ton ciel du soir d’un bleu immense.
Si belle que ton maire mystique de jadis reconnût en toi
le prélude de la Jérusalem d’En-haut.

Mais, où sont tes familles et tes enfants ?
Où sont tes anciens et tes voisins ?
Où sont tes fidèles et tes priants ?
Où sont tes artisans et tes commerçants ?

La grande Babylone du tourisme t’a séduite.
L’argent enchanteur t’a dépossédé.
Tu t’es enamourée de ton succès.
Tu as fait fuir tes enfants et ton avenir.

Quand vint la pandémie,
tu n’étais qu’une coquille vide.
Point d’âme qui vive.
Désert urbain.

Vas-tu te réveiller de ton ivresse ?
Auras-tu le courage de te dépouiller de tes atours ?
Renonceras-tu à tes prostitutions ?

Surtout, ne vis pas de nostalgie !
Puise dans ta mémoire, mais ne t’y enferme pas.

Ouvre les yeux, et vois la beauté invisible qui habite :
en chaque homme, en chaque femme.
Aussi bien en tes rares habitants
qu’en tes foules de tous horizons.

Repars de l’humain et de son infinie dignité.
Repars de Dieu qui t’offre ton espérance.
Chaque visage est un reflet de l’Éternel.
Chaque visage est promesse de sens et de vie pour ton demain.

Tu es tellement plus que tes pierres et tes tableaux,
tellement plus que tes richesses d’hier et d’aujourd’hui.
Ta beauté c’est la constellation des visages.
À commencer par les plus pauvres
qui sont présence de Jésus Christ.

En chaque touriste qui te visite,
ne vois ni un envahisseur qui t’ôte la paix,
ni une proie pour tes affaires,
mais un frère à accueillir et à aimer.

Crois au Dieu qui aime l’humain et aime nos villes.
Te souvenant qu’une ville est notre ultime port,
notre véritable espérance.

Crois au Dieu qui tisse l’humanité nouvelle,
qui rassemble en lui ceux que les peurs séparent.
Crois en Jésus qui s’offre en son Eucharistie
pour rapatrier sa ville dans un unique amour,
pour rassembler en son unité ses enfants dispersés.

N’était-ce pas là l’intuition de ton premier citoyen
quand il inventa la messe des pauvres ?

Tu es riche d’une espérance inouïe.
Parce que Dieu est fidèle.
Parce qu’Il aime la ville.
Parce qu’il nous aime ensemble.

Frère Antoine-Emmanuel (Fraternité de Vézelay)

Photos de Florence : © DR