Consacrée dans la vie érémitique en 1984, j’ai vécu les premières années de vie religieuse dans le désert du Sahara, terre choisie par Charles de Foucauld, peut-être parce qu’elle est la plus authentique image de l’intériorité. C’est une vie, toute nue dans sa beauté comme dans sa rudesse. Rentrée en France il y a plus de 30 ans, toujours guidée par la spiritualité de celui qui voulait être appelé « frère Charles », je vis depuis en ermitage, dans un désert fait de silence et de solitude, dans les Causses du Rouergue.
Là, j’apprends chaque jour dans l’humble quotidien « à vider complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul. »
Marcher au désert, c’est faire l’expérience d’une solitude qui conduit à la rencontre du Dieu Amour.
Frère Charles est passé peu à peu du Dieu transcendant, découvert au contact de ses amis musulmans, au Dieu si petit de Bethléem et de Nazareth. Le silence l’a conduit à la Parole mais une parole faite chair, au Verbe de Dieu. Il est allé au désert pour mieux aimer, pour communier à la vie de l’humanité, des nomades qui lui sont proches comme de ceux qui lui sont loin.
C’est au cœur du désert que cet amoureux de Jésus de Nazareth est devenu le Frère universel, apôtre des oubliés de la vie. Il a découvert que Dieu n’était pas le garant de ses projets mais au cœur même de ses échecs et de ses doutes, il est devenu un homme de foi, abandonné à la volonté du Père.
Dans la vie de Frère Charles, le silence du désert a permis ce temps de vérité où l’homme assume sa pauvreté et s’ouvre au don de Dieu. Il ne s’agit pas d’abord de donner mais de recevoir.
Dans la solitude du désert, le Frère Charles a vécu de longues heures de contemplation de Jésus, présent dans l’Eucharistie. Ce désir d’être avec Lui l’a conduit, peu à peu, « de l’exposition du Saint-Sacrement à une vie exposée » comme l’a écrit Antoine Chatelard, Petit frère de Jésus. C’est toute sa vie qui va devenir eucharistique.
Frère Charles a écrit le 1er décembre, le jour de sa mort : « quand on peut aimer, on peut beaucoup, on peut le plus qu’on puisse en ce monde. » Il a cru à la lumière au cœur de la nuit. Il a marché au désert, tout au long des jours, en allant du « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? », au murmure d’un ultime « Père, je m’abandonne à toi. »
Sœur Marie-Claire (Ermite, amie de nos Fraternités)