Sr Véronique est atteinte d’une maladie dégénérative, de la famille des syndromes parkinsoniens atypiques.
Elle garde toute sa tête (intelligence, conscience, humour…), mais son corps diminue beaucoup : elle a perdu son autonomie (marche, toilette, habillage, écriture…) et a de grosses difficultés d’élocution.
La plupart des frères et sœurs ont pu m’apercevoir à Magdala : il m’a été donné la joie de connaître et d’accompagner sœur Véronique, le soir pendant une période de transition au début de cette année, puis cet été pendant l’assemblée de travail des frères et sœurs. Il s’agissait de lui apporter de l’aide et du soutien dans ses déplacements et les petits gestes du quotidien.La richesse de cette expérience m’habite encore.
Un des fruits était de contempler le temps, comme il prend de l’épaisseur lorsque je me mets au rythme de Véronique.
Parfois d’humeur joviale, certains jours marquée par la fatigue, elle me surprend toujours par son humilité et sa facilité à rire d’elle-même. Elle se livre sans crainte aux mains qui la soignent, dans un grand esprit d’abandon. Avec courage, elle prend conscience et accepte les changements qui s’opèrent en elle. Elle m’étonne à savoir, avec tout cela, décentrer son attention en pensant d’abord à l’autre.
Je ne résiste pas à raconter l’anecdote d’un chocolat de Pâques qu’elle voulait m’offrir et que je ne trouvais pas alors qu’elle était déjà dans son lit. Sourde à mes protestations, elle s’est relevée pour chercher la boîte et partait voir une sœur malgré l’heure avancée. Je me trouvais bien obligée de l’aider, alors qu’elle déployait tant d’efforts pour moi.
Sa maladie progressant, à mesure que sa fragilité physique grandit, s’éveillent autour d’elle d’autant plus de précautions et de soin, qu’elle fait elle-même preuve d’une grande douceur avec qui l’entoure. Tout en même temps, j’ai observé en moi que la délicatesse n’est pas aisée à mettre en œuvre, confrontée à ma propre pauvreté.
J’ai découvert, au cœur de la grande simplicité du quotidien, la profondeur d’une relation personnelle, qui n’a pas besoin de mots pour être nourrie. C’est d’être ensemble qui fait la relation : un échange de regards, un geste même infime, une attention, dans une réciprocité gratuite et très émouvante.
J’ai enfin reçu le cadeau d’entrevoir en sœur Véronique le mystère d’incarnation face auquel l’on se sent si petit.
Marion Poulizac, amie des Fraternités de Strasbourg