Chez les sœurs de Montréal, l’oratoire communautaire est au cœur de la Fraternité, au milieu des cellules. Lieu de prière individuelle et commune, il se veut à la fois intime et ouvert.
Les lieux
Son entrée est marquée, dès le couloir, par une icône de saint Jean-Baptiste, patron des sœurs de Jérusalem, apposée sur un lambris de bois la reliant à la porte de l’oratoire, elle-même enchâssée dans son cadre de bois.
La porte, en verre gravé, se fait transparence et louange : un séraphin chantant « Sanctus, Sanctus, Sanctus ! » nous accueille et nous invite au ciel. La transparence et l’opacité ainsi mélangées nous permettent un certain isolement du reste de la Fraternité, tout en évitant de nous en couper totalement.
Dès le seuil, la pièce nous embrasse et, en même temps, nous élève, nous porte au dehors de nous-mêmes. La fenêtre, qui nous fait face, est blancheur – parfois éblouissante –, transparence et légèreté, en dialogue avec la ville. Les murs et le sol, qui nous entourent, plus sobres, aux chaudes couleurs ocres reprenant celles de la statue de la Vierge, forment un écrin pour notre prière. Une mosaïque, plus claire, scintillante, nous fait face, liant fenêtre et murs en une seul entité. Un banc de bois courant le long des murs unifie le tout.
Nous désirions pouvoir nous recueillir et adorer en ce lieu sans être gênées par les regards plongeant des clients du bar d’en face, tout en restant en communion avec la ville qui nous entoure et pour laquelle et avec laquelle nous prions. C’est l’ensemble de la pièce qui reflète ce défi relevé par nos artistes-artisans.
Jérusalem céleste, Jérusalem terrestre : vitraux et mosaïque.
Nous tourner vers la ville nous est apparu indispensable dès les premières années passées à Montréal ; orienter l’oratoire vers la fenêtre, c’était vivre concrètement « au cœur des villes, au cœur de Dieu ». Pourtant une sorte de filtre nous apparut rapidement nécessaire, non pour masquer le monde mais pour pouvoir le recevoir plus posément, en étant plus réceptives à toutes ses composantes. Alors, les derniers chapitres de l’Apocalypse, où la ville de Jérusalem devient le lieu de la louange, se sont imposés comme thème iconographique principal.
Les vitraux, blancs et lumineux, se font voile sur la ville et nous élèvent vers le ciel par leur légèreté. Les douze portes de la Jérusalem céleste, limpides, se découpent nettement dans l’opacité modulée du reste de la vitre. Ce sont autant d’ouvertures sur la ville de Montréal, rappelée aussi par la forme de certaines portes. Ouvertures qui sont aussi les « couleurs » de ces vitraux, changeantes selon les saisons ou l’angle de vue. L’ombre des feuillages se découpant sur les murs latéraux en fin de journée – une des belles surprises lors de la pose des vitraux –, nous rappelle que le ciel est déjà sur la terre. Quant au texte de l’Apocalypse, finement gravé, il se laisse deviner au détour de la contemplation.
La mosaïque, elle, nous attire à l’intérieur, dans ses murs. Nous voici au cœur de la Jérusalem terrestre avec ses ocres, ses ors, ses coupoles, ses buissons fleuris. Le regard pourrait se perdre, il s’apaise et se tourne vers l’intérieur. La pièce s’agrandit, prend du volume et du relief. Les pierres sont proches, palpables, sortent même du mur. La matière devient vivante, scintillante, chatoyante.
Au cœur de la pièce, le tabernacle. Le montant de la fenêtre s’est transformé en colonne eucharistique avec en son centre une simple porte de bois peint : l’Agneau est au cœur de Jérusalem, prêt à se laisser adorer.
soeur Élisabeth de la fraternité de Montréal