L’été, temps de vacances s’étire. Les grosses chaleurs nous ont ralentis. Les mois d’été se prêtent à ce grand ralentissement où nos fébrilités s’apaisent. Au fil des années, l’accélération de la vie quotidienne a été considérable, liée à la dynamique engendrée par les exigences des modes de travail. Notre rythme de vie est encombré par la perception que nous avons de notre trajectoire de vie, parfois anxieux de notre situation. Nos vies ressemblent aux « Temps modernes », film (1936) de Chaplin, même si nous en rions. Alors, nous recherchons le bienfaisant repos de l’été loin de toute préoccupation, pour « reprendre souffle » et « rentrer fringuant ».
Soudain, au cœur de l’assoupissement estival, a retenti cet appel à la vigilance avec l’évangile de saint Matthieu « Veillez, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. » (Mt 24, 42). Peut-être avons-nous continué à chanter telle la cigale de la fable de La Fontaine, peu soucieux de la bise froide de l’hiver, « ni du jour ni de l’heure » ?
Cependant, après le temps de repos, nous allons reprendre le tourbillon de nos activités, le rythme soutenu de nos engagements familiaux, professionnels et associatifs. Et si nous osions poser un regard sur nos agendas ? Nos agendas sont déjà remplis des premiers rendez-vous de l’année à venir afin d’organiser, d’optimiser parfois à la minute près, au risque peut-être de laisser peu de place à l’inattendu … Qu’est-ce qui nous pousse, consciemment ou pas, à faire déborder nos vies de toute part, sans nous soucier « ni du jour, ni de l’heure » ?
Et si, nous nous arrêtions pour prier avec nos agendas, papier ou numérique ? La proposition a été faite aux retraitants de la retraite de carême avec l’évangile de saint Luc (Saint-Gervais, Paris) pour vivre une expérience spirituelle qui permet d’entendre l’invitation « à chercher Dieu en toute chose » (Ignace de Loyola), et l’appel à ordonner sa vie.
Dans un premier temps, cette proposition a surpris les retraitants qui ont posé des regards dubitatifs sur leurs téléphones, objet de notre quotidien, profane, utile, « fil à la patte » parfois tyrannique. Osons entrer dans ce temps de prière en visualisant sur nos agendas les activités de la semaine précédente et disposons-nous à accueillir la semaine passée comme un don de Dieu, l’espace et le lieu où Dieu était là …et la place du repos le 7e jour. En présence du Christ qui nous appelle à servir sans cesse, accueillons Dieu au cœur de nos vies, au cœur des villes. Entrons dans une lenteur où le temps s’épaissit, se savoure ; une lenteur qui rafraîchit comme l’eau vive et qui ouvre de l’espace pour l’autre.
Alors, nos oreilles peuvent entendre l’appel à veiller de saint Matthieu, comme un appel à habiter notre présent en écho à l’invitation du pape François (homélie de Pentecôte 2021) :
« Le premier conseil de l’Esprit Saint est : “Habite le présent”. Le présent, pas le passé ou l’avenir. (…) L’Esprit nous rappelle la grâce du présent. Il n’y a pas de temps meilleur pour nous : maintenant, là où nous sommes, c’est le moment unique et irremplaçable pour faire du bien, pour faire de la vie un don. Habitons le présent ! »
Bonne rentrée dans le présent qui nous fait « témoins de l’aujourd’hui de Dieu » !
« Ô Dieu ! quel chemin dur,
Quand ta lumière pleine
Tient toute dans l’azur
Du cœur, ah ! quelle peine
De tant ouvrir les yeux
Pour voir de mieux en mieux »
Marie Noël, Les Chants de la Merci, 1930
Françoise Vintrou, Fraternités Évangéliques de Paris