A l’occasion des Journées du Patrimoine, les frères et sœurs de Paris ont proposé une exposition avec les chasubles réalisées par Caroline Cloix pour l’église Saint-Gervais et pour frère Pierre-Marie. Nous avons posé quelques questions sœur Łucja et Marie-Aimée : 

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour organiser l’exposition de chasubles dans l’église Saint-Gervais ?

Sœur Łucja : Déjà l’année passée, nous avions réalisé à quel point les Journées du Patrimoine attirent les personnes qui viennent visiter les églises, qui cherchent à découvrir l’histoire, la beauté, profiter des lieux où ils n’entrent pas au quotidien. Et pour nous, c’est toujours une occasion exceptionnelle pour partager les trésors de notre l’église, cet édifice ancien qui abrite de nombreuses œuvres d’art et qui fait un avec notre vie de prière. Ce sont aussi les trésors de l’Église beaucoup plus largement qui se laissent rencontrer à travers le patrimoine : l’architecture, les sculptures, mais aussi d’autres objets qui servent la liturgie, comme les vêtements liturgiques.
C’est cela qui a motivé notre choix de sortir des sombres armoires de la sacristie des chasubles, non pas anciennes, mais contemporaines ; celles même qui sont encore utilisées à Saint-Gervais et qui participent avec toute la signification de leurs couleurs aux liturgies festives de nos Fraternités.

Qui en est l’artiste ?

Sœur Łucja : Nous avons eu la joie d’accueillir à cette occasion Caroline Cloix, couturière et styliste, artiste qui a su faire vivre les tissus et les faire parler des mystères de la foi à travers des allusions colorées aux textes bibliques. En 2020 elle a publié un livre intitulé “Carnet de couture liturgique“, un récit de ses recherches à la fois spirituelles et artistiques, ses inspirations puisées dans des différentes cultures et la Tradition de l’Église pour rendre le vêtement liturgique à notre aujourd’hui en consonance avec l’appel de Vatican II à retrouver une “noble simplicité” dans l’art liturgique. Encouragée par frère Pierre-Marie, elle a créé en plus de vingt années une série de 8 chasubles, dont les couleurs, la matière, la décoration sont une catéchèse liturgique qui parle à la sensibilité de nos contemporains avant de s’adresser à leur intellect.

A quoi sert une chasuble ? et pourquoi tant de couleurs ?

Sœur Marie-Aimée : La chasuble est le vêtement liturgique que porte le prêtre pour célébrer l’eucharistie. Elle signifie l’amour de Dieu qui l’enveloppe entièrement car il va présider la messe in persona Christi capitis, selon la formule consacrée (“dans la personne du Christ Tête” – l’assemblée célébrant in persona Ecclesiae : “dans la personne de l’Eglise” donc comme membres du Corps du Christ). Elle rappelle la tunique sans couture du Christ. Elle est portée sur l’aube baptismale et l’étole, cette longue écharpe, évocatrice des racines juives de la liturgie chrétienne car elle vient sans doute du talith, le châle de prière juif.
Les couleurs liturgiques qui n’étaient que deux à Rome avant le IVe siècle (blanc pour les dimanches et les fêtes, et noir pour le Vendredi Saint et le carême – le rouge étant réservé aux prêtres des cultes païens) ont évolué avec le temps pour être fixées au XIIIème siècle : blanc, couleur résurrectionnelle, pour les solennités et fêtes ; rouge, couleur de sang et de feu, pour les Rameaux, le Vendredi saint, les martyrs et la Pentecôte; violet, couleur de la pénitence, de l’attente confiante du pardon, pour l’Avent et le Carême ainsi que pour les messes de défunts (le noir est aussi possible en signe de deuil mais on ne l’utilise plus guère) et le sacrement de la confession ; vert, couleur de la croissance du Royaume comme un arbre qui déploie ses ramures, pour le Temps Ordinaire. Le rose n’est porté que 2 jours dans l’année liturgique : le dimanche de Gaudete en Avent et celui de Laetare en Carême. Il signifie que le violet de la pénitence est atténué par le blanc de la fête qui approche !

Cette exposition a-t-elle pu susciter de l’intérêt chez les visiteurs venus pour les Journées du Patrimoine ?

Sœur Marie-Aimée :  Oui, il y a eu du monde tout le WE, ainsi qu’à d’autres ateliers proposés au même moment par d’autres frères, sœurs et laïcs de Jérusalem (calligraphie, iconographie, confection de chapelets, visites) et les gens étaient contents partout. On a même fait un atelier enfants style “Montessori” où les enfants pouvaient choisir la bonne couleur liturgique pour habiller un mini-prêtre en figurine avec l’aube, l’étole et la chasuble appropriée. La vraie réussite ce furent les rencontres qu’ont permis ces ateliers, avec beaucoup de non-chrétiens venus là par curiosité. Quand une jeune femme juive s’extasie sur les lettres hébraïques et le mot “Abba” brodé sur la chasuble du Jeudi-saint, qu’un autre ne décolle plus ses yeux de la chasuble couleur d’aurore (la rose), qu’un troisième demande si ce sera encore ouvert le soir car il veut revenir après son travail pour les revoir, et que beaucoup sont touchés par la symbolique liturgique des couleurs, on se dit que le Seigneur est passé ! C’est ça l’important !