Pierre et Jean par Eugène Burnand © DR

La course des deux apôtres, au matin de Pâques, vers le tombeau qu’ils trouveront vide, comme Marie de Magdala avait déjà couru le leur dire, nous est bien connue, et a si merveilleusement été mise en image par le peintre Eugène Burnand qu’il nous est facile d’imaginer la scène… La suite a longtemps été plus difficile à visualiser, en revanche !
Que virent-ils en effet, et avec quel regard, chacun ? Ces deux questions sont vitales pour notre foi !
Le disciple bien-aimé, arrivé le premier, laisse à son aîné, le Berger des brebis, la primeur de l’entrée dans le tombeau, mais en se penchant vers l’intérieur, il entr’aperçoit (βλέπει, de βλέπω – blepo : perception visuelle ordinaire) les linges affaissés, vidés de leur contenu. Pierre entre, il observe tout (θεωρεῖ, de θεωρέω – theoreo : observation sensorielle qui permet de faire des théories à partir de ce que l’on constate) et le confronte au dire de Marie de Magdala : « On a enlevé du tombeau le Seigneur ! ». Jean entre à son tour, il voit (εἶδεν, de ὁράω – oráô :  contemplation mystique) et, à cet instant, il croit que Jésus est ressuscité.

L’évolution des traductions du grec au français nous aide à comprendre, tirant profit d’une meilleure connaissance de la manière juive d’ensevelir les morts : on enveloppait en effet le défunt dans un linceul, c’est-à-dire un grand tissu de lin, avec des bandelettes qui serraient les chevilles et les poignets, et on plaçait une mentonnière autour de sa tête pour maintenir sa bouche fermée. Là où ὀθόνια (otonia) était autrefois traduit soit par bandelettes, soit par linceul (traduction liturgique francophone de 1993), la nouvelle traduction de 2013 a mis « les linges », désignant par là le linceul et les bandelettes. Là où nous avions « le linge » pour σουδάριον (soudarion), nous avons maintenant « le suaire » : c’était un linge destiné à essuyer la sueur, mais qui a dû être roulé à la hâte pour servir de mentonnière. Le texte ne dit plus qu’il avait « recouvert » la tête de Jésus, mais qu’il l’avait « entourée », ce qui évoque bien l’usage d’une mentonnière. Enfin, là où il était précisé que ce suaire avait été « roulé à part dans un autre endroit », ce qui nous laissait perplexes, nous avons maintenant une traduction bien plus claire pour notre intelligence : « roulé à part à sa place », formant donc un bourrelet circulaire à l’intérieur du linceul, à l’endroit où reposait la tête de Jésus.

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Pierre bute sur l’énigme du corps disparu, et il n’arrive pas à saisir ce qui s’est passé. Pour le disciple bien-aimé, au contraire, qui a assisté l’avant-veille à la mise au tombeau de son Maître et en a gravé tous les détails dans sa mémoire, ce « signe » de la mentonnière est capital et lui fait voir, avec l’intelligence du cœur, que tout ce qui enveloppait le corps de Jésus, gisant maintenant à plat, est resté là sans que personne n’y touche… Il comprend que le Ressuscité a laissé derrière lui, à la différence de Lazare simplement réanimé pour un temps, tous ces linges funéraires ou plutôt qu’il les a traversés en les laissant intacts, comme peu après il traversera les murs clos du Cénacle pour apparaître à ses apôtres.

Maintenant que tout est clair dans ce récit de l’événement le plus extraordinaire de toute l’histoire humaine, à nous de le contempler dans la simplicité joyeuse de la foi et d’en témoigner par toute notre vie ! 

Sœur Violaine (Fraternité de Strasbourg)