Le récit biblique des deux disciples d’Emmaüs et de leur rencontre avec le Christ ressuscité est bien connu. C’est Jésus qui s’approche et qui fait route avec eux ; les deux disciples parlent et discutent à voix basse, avec le cœur gonflé de tristesse et de déception. Un seul est nommé : Chléophas, l’autre reste dans l’anonymat. Ils lui racontent le déroulement des évènements, les « ouï-dire » entendus et les visites au tombeau.
L’amour de Jésus envers eux l’oblige à reparcourir les Écritures, à leur expliquer le sens salvifique de sa venue, mais ils ne semblent pas réagir pour autant. Leurs cœurs sont remués, « reste avec nous, car le soir tombe… ».
Suit la partie la plus importante de cette rencontre : au moment du repas du soir « il [Jésus] prit le pain, dit la bénédiction puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… »
Cette scène, dont le récit est propre au temps pascal en ce qui concerne la liturgie, j’ai la joie de pouvoir la contempler tous les jours. Ma fraternité à choisi de demander à frère Charles-Marie, d’exécuter une fresque des disciples d’Emmaüs, à partir de la scène sculptée sur la pierre du tympan nord de la Basilique de Vézelay. Notre réfectoire s’est embelli, certes, mais pas seulement : il est devenu aussi occasion d’accueil et de catéchèse pour les hôtes qui sont invités à partager notre repas.
On ne rentre plus dans cette pièce comme auparavant : qu’il s’agisse d’un repas partagé ou d’un repas pris en libre-service, Quelqu’un nous attend. Quelqu’un nous accueille et nous invite à faire du repas un moment de rencontre, de fraternité, de joie.
Dans la tradition monastique, le repas est un moment important : pris en silence, il réunit la communauté qui se nourrit, non seulement de nourriture, mais aussi des paroles d’un livre lu par un lecteur ou d’un morceau de musique s’il s’agit d’un jour de fête.
Pour moi, grâce à cette fresque, quelque chose a changé. Je me retrouve souvent à me dire tout-bas : « et ils le reconnurent… ». Cette réflexion, ce simple verset, m’aide à ne pas arriver au réfectoire comme on n’arrive à la cantine de l’entreprise lors de sa pause déjeuner. Ce verset m’aide à faire attention à mon voisin, à remercier intérieurement celui qui fait le service, à rendre grâce pour le frère qui exerce l’autorité et guide la communauté, et qui me permet d’être obéissant.
Que Sa grâce nous conduise à nous lever de table, non seulement pour faire la vaisselle ou aller à un rendez-vous, mais pour – à travers ces simples activités – annoncer la puissance de son amour et de sa résurrection.
Frère Matteo, des Fraternités de Vézelay