Spontanément, quand je pense à la ville, je vois d’abord un ensemble de bâtiments plus ou moins hétéroclites, témoins de l’histoire (tant dans ses heures lumineuses que sombres), de l’évolution de la ville. Ce n’est qu’en y vivant au quotidien qu’elle prend une autre épaisseur. Elle n’est plus seulement un écrin de la richesse du patrimoine historique, culturel et artistique, mais elle devient un réel lieu de vie et de rencontre.
En travaillant dans la ville, je fais l’expérience de côtoyer des réalités humaines variées auprès des collègues et des enfants de l’école. C’est en rencontrant des gens concrètement, quotidiennement, que la ville perd son côté idéalisé que peuvent lui donner de belles façades. Et c’est aussi en étant confrontée à ses pauvretés et aux miennes qu’elle gagne en consistance dans ma prière.
Il ne faut pas se leurrer, en habitant en ville, en y travaillant, en y priant, je prends aussi plus ou moins son rythme. Paris est une ville où l’on marche vite, où l’on court d’un endroit à l’autre, et mine de rien, je m’y fais et je me mets aussi à aller plus vite, à enchaîner les choses à faire les unes après les autres !… Je ne suis pas étrangère à ce rythme parfois effréné de la ville, ni par conséquent à son anonymat, mais cela aussi m’aide à offrir à Dieu de manière plus incarnée ce que je porte en communion avec la ville.
Si la ville habite et nourrit ma prière par le simple quotidien, il y a dans notre liturgie deux temps forts qui me rappellent que toute l’année, je prie pour, dans et avec la ville. Ce sont la litanie des Saints de Paris chantée à la Toussaint à Saint-Gervais où l’on demande aux saints de la ville connus et inconnus de prier pour nous, allant de saint Denis aux saints ouvriers et artisans, et la grande litanie d’intercession de la nuit de Jeudi Saint où l’on prie pour les misères et les souffrances de la ville et du monde que le Christ prend sur lui en entrant dans la Passion. Ces deux prières embrassent toute la ville et font monter vers Dieu la louange et la supplication pour toutes les personnes que je rencontre ou croise mais aussi toutes celles que je ne connais pas.
En somme, mon expérience de la ville est simple : vivre et marcher avec elle car je ne suis pas extérieure à elle ni isolée des personnes qui y vivent. Elle m’aide à prier pour elle et avec elle au jour le jour, et jusqu’à la Cité Sainte, Jérusalem, bâtie comme une ville où tout ensemble fait corps !
soeur Claire de la fraternité de Paris