Pourquoi une vieille planche de bois est-elle capable de me toucher autant ! Posez-lui la question, moi je ne sais pas vraiment.

Quand je dois peindre une icône sur commande, j’essaie de rester sage et d’employer les planches classiques, mais en Aubrac c’est la liberté totale, et une autre disponibilité du regard : au hasard d’un tas de bardeaux abandonnés, ou d’un recoin de buron, voici qu’une vieille porte me fait signe. Tu étais si belle, et on t’avait oubliée ! Je peins sur elle le visage du Christ, ou de la Vierge, ou la Trinité. J’essaie de ne rien perde des magnifique moisissures et lichens, mosaïques de verts et de jaunes intenses. Je dois être à l’écoute, regarder comme on écoute, en laissant à chaque chose sa chance. Il faut obéir à la planche, c’est elle qui me suggère l’icône à faire. Celle-ci est tourmentée de nœuds comme une roche : le Thabor est déjà là, je n’aurai qu’à peindre les autres personnages de la Transfiguration. 

Toutes proportions gardées – et pardon pour la comparaison – je me dis que le Créateur lui-même s’y prend un peu comme cela avec nous : là où nous ne voyons que défauts et manques, il voit, lui, la chance de dessiner son Fils. Nos nœuds et nos fissures ne font qu’intensifier la créativité de son amour. C’est peut-être cela la beauté : la rencontre d’un regard qui redonne vie. On devient beau quand on se sait aimé. 

Mais pour revenir à mes planches… n’hésitez pas à m’envoyer vos trésors burinés, certains attendent peut-être le Visage qui les ressuscitera !

Frère Charles-Marie de la fraternité de Strasbourg