Je suppose que beaucoup de monde associe encore le mot « sainteté » à une certaine forme de travail sur soi-même (les plus engagés ajouteront : « par la grâce de Dieu »), qui nous conduit à la perfection dans les vertus, à une certaine pureté de la vie…
Ce n’est pas entièrement faux – après tout, la communion avec Dieu, sans laquelle la sainteté est impossible, implique une certaine purification et unification de notre cœur. Seulement, il s’agit plus d’un fruit que du but de la sainteté. Ce fruit mûrit en nous du fait de la grâce de Dieu et de notre travail personnel, mais pas uniquement – car nous ne gardons pas ce fruit que pour nous-mêmes (ce qui n’est pas évident au vu de ce que nous venons d’en dire). La sainteté, en effet, ne peut naître que dans la relation avec autrui. Elle est une œuvre communautaire…
Dans le Livre de Vie de Jérusalem, qui définit le cheminement spirituel des frères et sœurs de Jérusalem, nous pouvons méditer sur ce merveilleux mystère : Ta marche vers le Christ n’est pas une aventure solitaire mais communautaire. Cet engagement commun t’invite donc aussi à l’écoute mutuelle, l’encouragement réciproque, la conversion fraternelle, dans la solidarité du même don (LdV §7) et encore : Par ta profession perpétuelle, tu t’attaches à ta Fraternité pour toujours, faisant par-là […] acte d’amour, car tu lies ainsi ta vie à celle de tes frères, pour courir avec eux vers le même idéal de sainteté (LdV §173).
Fra Angelico présente magnifiquement cette vérité dans son œuvre « Le Jugement dernier ». Dans la partie représentant les sauvés, il est frappant de voir cette composition exceptionnelle de personnages qui – mentionnons ce détail important – ne sont pas encore au Ciel, mais dont on peut voir que leur destination est de vivre au Paradis… Il s’agit d’une véritable communauté des hommes et des anges qui sont en étroite relation entre eux : il y a des personnages qui se parlent, s’embrassent, montrent la direction, se tendent les mains les uns aux autres… Le cadre de la peinture représentant un cercle de danse, où tous se tiennent par la main et se dirigent mutuellement, est particulièrement significatif.
Il nous montre la sainteté comme une réalité dynamique – non pas celle du développement individuel, mais du soutien mutuel et de la complémentarité. La solennité de Toussaint – c’est-à-dire : de la COMMUNAUTÉ de tous les saints – nous le rappelle également. C’est une invitation pour chacun et chacune de nous à cette aventure de dialogue commun : d’attirer les autres vers la sainteté et de se laisser attirer vers elle par les autres.
Frère Józef de la fraternité de Vezelay